Escapade vers un futur incertain
Les pertes du Bomber Command dans le département de la Marne
 

 
 

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Vickers Wellington Mk. III, GTGT-(?), S/n BK386
No. 156 Squadron
abattu dans la nuit du 21
au 22 décembre 1942
à Matignicourt-et-Goncourt, Marne (51), France
 
- Tant qu'une personne se souvient de toi, tu ne meurs jamais -

 

 

Note du Webmaster :

Par respect envers la mémoire de ces aviateurs, souhaitant préserver autant que faire ce peu le point de chute de leur appareil de toutes fouilles sauvages, j'ai volontairement omit de mentionner les informations suceptibles de procéder à la localisation exacte de ce site.
Dans le même ordre d'idée, il est bien évident que je ne transmettrai aucune de ces informations par quelque autre voie que ce soit.

le Webmaster
 
 

Lorsqu'il entre en guerre le 3 septembre 1939, le Bomber Command a été pensé de telle sorte que ses appareils soit indépendant des autres forces. Ainsi, selon le concept en vigueur à l'époque, les bombardiers sont conçus pour pouvoir opérer et surtout se défendre seul, sans qu'aucune escorte de chasse ne leur soit nécessaire. De part le seul volume défensif de leurs armes de bord, ils sont censés pouvoir repousser toute attaque de l'adversaire.

Toutefois très tôt au cours du conflit, la validité de cette doctrine est remise en cause. Ce sont tout d'abord les Fairey Battle et les Bristol Blenheim qui démontrent leur incapacité à faire face efficacement aux Messerschmitt Bf. 109. Puis, le 18 décembre 1939, la formation de Vickers Wellington envoyée à l'attaque de la base navale de la Kriegsmarine en baie d'Heligoland, sur la Mer du Nord, se fait littéralement étriller par la chasse allemande. L'opération est un véritable désastre, la quasi-totalité des bombardiers étant abattus... Dans la période qui suit, la RAF connaît d'autres échecs tout aussi cuisants...

En conséquence, le Bomber Command va opérer une profonde mutation dans la politique d'emploi de ses appareils et renoncer ainsi aux attaques diurnes au profit de raids nocturnes, plus économes en équipages. Ce choix est d'autant plus judicieux qu'à l'époque, la Nachtjagd (la chasse de nuit allemande) est inexistante. Quant à la Flak, elle n'a pas encore acquis la redoutable efficacité qui sera la sienne dans un très proche avenir. Il n'en reste pas moins que la navigation et le bombardement nocturne sont un art parmi les plus délicats et que les nombreuses difficultés inhérentes à ce type d'opérations n'en faciliteront pas la réussite. Conscient de cet état de fait, les autorités britanniques restent toutefois convaincues de la réelle efficacité de leurs bombardements stratégiques.

Cependant, dès le milieu de l'année 1941, il apparaît que la capacité des équipages à localiser leurs objectifs avec suffisamment de précision pour pouvoir y causer le maximum de destructions a été grandement surestimé. Cette révélation fait l'effet d'une véritable bombe dont le souffle fait vaciller le Bomber Command, au point d'en remettre en cause l'existence même. Ainsi, certains de ses détracteurs vont jusqu'à demander sa dissolution et la réaffectation de ses moyens humains et matériels à d'autres secteurs de l'armée !

Finalement, il faut attendre le mois d'avril 1942 pour qu'une réponse soit apportée à cette situation. Celle-ci consiste à regrouper l'élite des équipages du Bomber Command (notamment les navigateurs et les bombardiers) au sein d'une force aérienne susceptible de baliser très précisément l'objectif à l'aide de marqueurs divers tels les Flare ou les Target Indicator (TI) pour le compte d'autres bombardiers qui, tout au long du raid, opéreront sous le contrôle étroit d'un Master Bomber, un responsable des opérations chargé de veiller à la précision du bombardement. Et pour accroître son efficacité, cette force se verra dotée, tout au long de son existence, des innovations technologiques les plus performantes en matière de systèmes de radars de bombardement ou d'aide à la navigation (Gee, H2S, Oboe...).

C'est ainsi que le samedi 15 août 1942 voit intervenir la naissance de la Path Finder Force (PFF) par prélèvement, au sein de chaque Group du Bomber Command, de l'un de ses Squadron. Ainsi, le No. 1 Group y détache les Vickers Wellington de son No. 156 Sqn. Le No. 2 Group, les Wellington et De Havilland Mosquito de son No. 109 Sqn. Le No. 3 Group, les Short Stirling du No. 7 Sqn. Le No. 4 Group, les Handley Page Halifax du No. 35 Sqn. Quant au No. 5 Group, il y transfère les Avro Lancaster de son No. 83 Sqn.

Placée sous le commandement du nouvellement promu Group Captain Donald Bennett, la Path Finder Force entre en action dès la nuit du mardi 18 au mercredi 19 août 1942, soit trois jours après sa création, à l'occasion d'un raid mené sur le port allemand de Flensburg. Toutefois, l'opération ne peut être qualifiée de succès en raison de la densité de la couche nuageuse qui recouvre l'objectif et ne permet pas de baliser ce dernier avec toute la précision requise. D'autant qu'à ces conditions déjà difficiles s'ajoute un vent violent qui déporte les bombardiers loin de leur cible !

Pour sa seconde sortie, qui intervient dans la nuit du lundi 24 au mardi 25 août 1942, la PFF se voit cette fois confier la tâche de guider une force de 226 bombardiers jusque sur la ville de Francfort. Mais là encore les conditions météorologiques lui sont défavorables, la cible se trouvant bien à l'abri sous une épaisse couche nuageuse. Les équipages Pathfinder éprouvent donc les pires difficultés à localiser précisément l'objectif et la majorité des bombes larguées tombent ainsi à l'extérieur de la ville où elles ne causent guère de dommages. Ces échecs ne remettent toutefois pas en cause la viabilité du concept d'éclaireurs, d'autant que les raids suivants commencent à porter leurs fruits.

Ainsi, bien qu'en cette fin d'année 1942, les conditions météorologiques soient, depuis le mois de septembre, peu enclines à favoriser le bon déroulement des opérations aériennes en masquant, d'une part, les cibles aux yeux des équipages et en dispersant, d'autre part, les concentrations de bombardiers, le Bomber Command n'en poursuit pas moins inlassablement ses sorties.

Et pour la nuit du lundi 21 au mardi 22 décembre 1942, l'objectif assigné à ses appareils est la ville de Munich, dans le Sud de l'Allemagne. Précédant les 119 Avro Lancaster des No. 1 et 5 Group qui constituent la Main Force (la force de bombardement principale), la Path Finder Force totalise pour sa part 18 bombardiers ; 9 Short Stirling du No. 7 Sqn. et autant de Vickers Wellington en provenance du No. 156 Sqn.

A Warboys, dans le Huntingdonshire, terrain où est stationné le No. 156 Sqn., équipages et personnels au sol s'affairent dans les derniers préparatifs de la mission du soir. Formé en octobre 1918 en tant que Squadron de bombardement de jour, le No. 156 Sqn. a toutefois une existence dès plus éphémère puisqu'il est dissout dès le mois suivant avant même d'avoir pu devenir opérationnel en raison de la signature de l'Armistice le 11 novembre 1918.

La Seconde guerre mondiale va cependant lui fournir l'occasion de prendre sa revanche sur le sort, puisque l'unité qui fut en quelque sorte l'étoile filante de la Der des Ders, va devenir l'une des étoiles polaires de la seconde. En effet, recréé à Alconbury le samedi 14 février 1942, le No. 156 Sqn., équipé de bimoteurs Vickers Wellington, est transféré au sein de la toute nouvelle Path Finder Force dès le mois d'août suivant et fait donc mouvement sur le terrain de Warboys.

Désormais sa mission ne consiste plus à bombarder les cibles qui lui sont désignés mais à les baliser pour le compte d'autres Squadron du Bomber Command. D'ailleurs sa devise, " We light the way " (Nous éclairons la voie) et son insigne, Mercure brandissant une torche allumée, symboliseront parfaitement sa fonction.

C'est donc au titre de Squadron "éclaireur" que le No. 156 Sqn. prend part au raid visant Munich en cette nuit du lundi 21 au mardi 22 décembre 1942, en y affectant 8 des siens dont l'équipage du Vickers Wellington Mk. III S/n BK386 qui a la particularité d'être entièrement composé d'aviateurs canadiens. Deux d'entre eux au moins ont déjà accompli un tour d'opérations avec le No. 420 (Snowy Owl) RCAF Squadron.

Le Pilot Officer Stanley Julian Cybulski qui en prend les commandes, s'est ainsi vu remettre la Distinguished Flying Cross le mardi 16 juin 1942. Cet homme, particulièrement expérimenté, est décrit comme étant une personne d'un grand courage, d'une grande compétence et d'une grande détermination. Ainsi au cours de l'une de ses précédentes missions, l'un de ses moteurs ayant cessé tout fonctionnement peu après avoir quitté la côte anglaise, le P/O Cybulski fit demi-tour. Mais étant parvenu à remettre ce dernier en marche quelques vingt minutes plus tard et constatant que ce dernier fonctionnait normalement, il fit une nouvelle fois demi-tour et gagna sa cible qu'il bombarda avec succès !

De son côté, le Pilot Officer Lloyd Robertson Mann, l'un des opérateurs radio - mitrailleurs, se verra également remettre une DFC le jeudi 31 décembre 1942 et aura été à plusieurs occasions cité en exemple pour son courage et son efficacité.

Quant au reste de l'équipage, il est contitué du Flight Lieutenant William Samuel Crawford, observateur ; du Pilot Officer Harry Thomas Boyes, navigateur bombardier et du Flying Officer Joseph Patrick Sullivan, mitrailleur.

Tous les cinq décollent de Warboys à 16 h 55 (heure anglaise) avec pour destination finale Munich qu'ils n'atteindront pas... En effet, tandis qu'il survole le Sud-est du département de la Marne, le Wellington BK386 est intercepté par un chasseur de nuit allemand qui l'abat sur le territoire de la commune de Matignicourt-et-Goncourt. Aucun des 5 membres d'équipage présent à bord n'y survivra...

La Gendarmerie française qui s'est transportée sur place ne peut que constater les faits.

" Dans la nuit du 21 au 22 décembre 1942, deux avions de bombardement anglais sont tombés en flammes sur le territoire de la Section de Vitry-le-François.

Vers 23 h 15, un bombardier s'est écrasé [ censuré par le Webmaster ] sur le territoire de la commune de Matignicourt. L'appareil est entièrement détruit, les débris s'étendent sur une longueur de 200 mètres. La carlingue est littéralement pulvérisée ; aux alentours gisent cinq cadavres affreusement mutilés dont quatre en partie calcinés. Il apparaît que les aviateurs s'apprêtaient à utiliser leurs parachutes lorsque l'appareil s'écrasa au sol.

Une dizaine de bombes, non éclatées, d'une vingtaine de kilogs [ sic ] environ, sont répandues parmi les débris, les réservoirs d'essence ont pris feu.

Il semble qu'aucun membre de l'équipage n'a pu échapper à la mort.

[ ... ]

Les gendarmes de la Section de Vitry-le-François ont assuré la garde des appareils jusqu'à l'arrivée de la Feldgendarmerie allemande et des Autorités compétentes.

D'après les déclarations de plusieurs témoins, les deux appareils [ note du webmaster : le second est le Short Stirling Mk. I MGMG-NN S/n W7632 du No. 7 Sqn. tombé à Jussecourt-Minecourt ] ont été abattus par un chasseur de nuit allemand à quelques minutes d'intervalle. Aucun incident à signaler ".

Si l'on se base sur le contenu des archives allemandes, le responsable de la chute du Wellington BK386 est très vraisemblablement le Hauptman Heinrich Wohlers, pilote du Stab II./NJG 4 qui, pour la nuit du lundi 21 au mardi 22 décembre 1942, ne revendique pas moins que la destruction de trois bombardiers, dont deux obtenues sur le même secteur du département de la Marne.

La première de ces victoires intervient sur Void-Vacon (département de la Meuse) dès 19 h 41 (heure allemande) et a pour objet un quadrimoteur non identifié qui est probablement le Stirling B. Mk. I, MGMG-CC, S/n BF358, du No. 7 Sqn.

La deuxième est remportée sur Minecourt (Marne) à 22 h 56 (heure allemande). Il s'agit là encore d'un Stirling, en l'occurence le W7632 du No. 7 Sqn. tombé à Jussecourt-Minecourt.
[ à ce propos, le lecteur pourra se reporter à l'historique du Stirling W7632 ]

Quant à la troisième de ces revendications, elle intervient à 23 h 13 (heure allemande) à l'encontre d'un Wellington abattu à Matignicourt et qui est très clairement le Wellington BK386 perdu par le No. 156 Sqn.
Par s
on action, le Hptm. Wohlers vient de s'octroyer un triplé qui hôte toutefois la vie à 20 aviateurs alliés.

Douteux privilège pour l'équipage du Wellington BK386, mais sa disparition clôturera la liste des pertes du No. 156 Squadron pour l'année 1942. De même, le BK386 sera le dernier Wellington de l'unité à être perdu en opérations car la nouvelle année verra le Squadron être rééquipé de de Avro Lancaster au cours du mois de janvier 1943.

Quant au département de la Marne, il comptabilisera cette nuit-là ses deux dernières pertes d'appareils du Bomber Command pour l'année 1942.

Au total cette seule année y aura vu la destruction de 4 bombardiers (2 Handley Page Halifax du No. 35 Sqn. 1 Short Stirling du No. 7 Sqn. et 1 Vickers Wellington du No. 156 Sqn.), impliquant le décés de 17 aviateurs et la capture de 8 autres.

Il faut également noter que ces 4 pertes concernent toutes des appareils relevant de la Path Finder Force ! Mais l'explication de ce fait tient peut-être à la raison d'être même de la PFF. Chargés de baliser l'objectif pour le compte de la Main Force, ses équipages précédent donc invariablement le gros des bombardiers. Et à ce titre, placés en avant du dispositif, ils sont les premiers à pénétrer les zones de défenses radars mises en place par les allemands. De là, les contrôleurs au sol n'ont donc aucun mal à diriger leur chasseur de nuit sur ces proies toutes désignées avant que le flot des bombardiers ne viennent saturer le dispositif de détection.

Reste que ce raid mené sur Munich cette nuit-là est un échec total. Des 137 appareils lancés à l'assaut de la ville, seul les équipages de 110 d'entre eux revendiqueront à leur retour avoir pu procéder au bombardement de la cible et y avoir noter le déclenchement de plusieurs incendies. Mais les photographies prisent à l'occasion de cette attaque démontreront sans ambages possible que la totalité, sinon la très grande majorité des bombes larguées, est tombée en dehors de la cité... Il est en effet possible que les bombardiers aient été abusés par un leurre mis en place par les allemands à cette fin.

Ce piètre résultat aura toutefois coûté cher aux équipages du Bomber Command qui ne verront pas rentrer 12 des leurs, soit 8 Lancaster, 3 Stirling du No. 7 Sqn. et un Wellington du No. 156 Sqn.

 
   
 
 
Sources principales :
 
Bomber Command Losses, Vol.3 (1942), W. R. CHORLEY ;
The Bomber Command War Diaries, M. MIDDELBROOK & C. EVERITT ;
The Stirling Story, M.J.F. BOWYER ;
They Led The Way, the Story of Pathfinder Squadron 156, M.P. WADSWORTH ;
Documents divers des Archives Départementales de la Marne.

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