Lorsqu'il
entre en guerre le 3
septembre 1939, le Bomber
Command a été
pensé de telle sorte
que ses appareils soit indépendant
des autres forces. Ainsi, selon
le concept en vigueur à
l'époque, les bombardiers
sont conçus pour pouvoir
opérer et surtout se
défendre seul, sans qu'aucune
escorte de chasse ne leur soit
nécessaire. De part le
seul volume défensif
de leurs armes de bord, ils
sont censés pouvoir repousser
toute attaque de l'adversaire.
Toutefois
très tôt au cours
du conflit, la validité
de cette doctrine est remise
en cause. Ce sont tout d'abord
les Fairey
Battle et les
Bristol
Blenheim qui
démontrent leur incapacité
à faire face efficacement
aux Messerschmitt
Bf. 109. Puis, le
18 décembre
1939, la formation de
Vickers
Wellington envoyée
à l'attaque de la base
navale de la Kriegsmarine
en
baie d'Heligoland,
sur la Mer
du Nord, se fait littéralement
étriller par la chasse
allemande. L'opération est un
véritable désastre,
la quasi-totalité des
bombardiers étant abattus...
Dans la période qui suit,
la RAF
connaît d'autres échecs
tout aussi cuisants...
En
conséquence, le Bomber
Command va opérer
une profonde mutation dans la
politique d'emploi de ses appareils
et renoncer ainsi aux attaques
diurnes au profit de raids nocturnes,
plus économes en équipages.
Ce choix est d'autant plus judicieux
qu'à l'époque, la Nachtjagd
(la chasse de nuit allemande)
est inexistante. Quant à la
Flak,
elle n'a pas encore acquis la
redoutable efficacité qui sera
la sienne dans un très proche
avenir. Il n'en reste pas moins
que la navigation et le bombardement
nocturne sont un art parmi les
plus délicats et que
les nombreuses difficultés
inhérentes à ce
type d'opérations n'en
faciliteront pas la réussite.
Conscient de cet état
de fait, les autorités britanniques
restent toutefois convaincues
de la réelle efficacité de leurs
bombardements stratégiques.
Cependant,
dès le milieu de l'année
1941,
il apparaît que la capacité
des équipages à
localiser leurs objectifs avec
suffisamment de précision
pour pouvoir y causer le maximum
de destructions a été
grandement surestimé.
Cette révélation
fait l'effet d'une véritable
bombe dont le souffle fait vaciller
le
Bomber
Command, au point d'en
remettre en cause l'existence
même. Ainsi, certains
de ses détracteurs vont
jusqu'à demander sa dissolution
et la réaffectation de
ses moyens humains et matériels
à d'autres secteurs de
l'armée !
Finalement,
il faut attendre le mois d'avril
1942 pour qu'une réponse
soit apportée à
cette situation. Celle-ci consiste
à regrouper l'élite
des équipages du Bomber
Command (notamment les
navigateurs et les bombardiers)
au sein d'une force aérienne
susceptible de baliser très
précisément l'objectif à l'aide
de marqueurs divers tels les
Flare
ou les Target
Indicator (TI)
pour le compte d'autres bombardiers
qui, tout
au long du raid, opéreront
sous le contrôle étroit
d'un Master
Bomber, un responsable
des opérations chargé
de veiller à la précision du
bombardement.
Et pour accroître son
efficacité, cette force
se verra dotée, tout
au long de son existence, des
innovations technologiques les
plus performantes en matière
de systèmes de radars de bombardement
ou d'aide à la navigation (Gee,
H2S,
Oboe...).
C'est
ainsi que le samedi 15
août 1942 voit
intervenir la naissance de la
Path Finder
Force (PFF)
par prélèvement,
au sein de chaque Group
du Bomber
Command, de l'un de ses
Squadron.
Ainsi, le No. 1
Group y détache
les Vickers
Wellington de
son No. 156
Sqn. Le No. 2
Group, les Wellington
et De
Havilland Mosquito
de son No. 109
Sqn. Le No.
3 Group,
les Short
Stirling du No.
7 Sqn.
Le No. 4
Group, les Handley
Page Halifax du
No. 35
Sqn. Quant au No. 5
Group, il y transfère
les Avro
Lancaster de son
No. 83
Sqn.
Placée
sous le commandement du nouvellement
promu Group
Captain Donald Bennett,
la Path
Finder Force entre en
action dès
la nuit du mardi 18
au mercredi 19
août 1942, soit trois
jours après sa création,
à l'occasion d'un raid
mené sur le
port allemand de Flensburg.
Toutefois, l'opération ne peut
être qualifiée
de succès en raison de
la densité de la couche nuageuse
qui recouvre l'objectif et ne
permet pas de baliser ce dernier
avec toute la précision
requise. D'autant qu'à
ces conditions déjà
difficiles s'ajoute un vent
violent qui déporte les
bombardiers loin de leur cible
!
Pour
sa seconde sortie, qui intervient
dans la nuit du lundi 24
au mardi 25
août 1942, la PFF
se voit cette fois confier la
tâche de guider une force
de 226 bombardiers jusque sur
la ville de Francfort.
Mais là encore les conditions
météorologiques
lui sont défavorables,
la cible se trouvant bien à
l'abri sous une épaisse
couche nuageuse. Les équipages
Pathfinder
éprouvent donc les pires difficultés
à localiser précisément l'objectif
et la majorité des bombes larguées
tombent ainsi à l'extérieur
de la ville où elles ne causent
guère de dommages.
Ces
échecs ne remettent toutefois
pas en cause la viabilité
du concept d'éclaireurs,
d'autant que les raids suivants
commencent à porter leurs
fruits.
Ainsi,
bien qu'en cette fin d'année
1942,
les conditions météorologiques
soient, depuis le mois de septembre,
peu enclines à favoriser
le bon déroulement des opérations
aériennes en masquant, d'une
part, les cibles aux yeux des
équipages et en dispersant,
d'autre part, les concentrations
de bombardiers, le Bomber
Command n'en poursuit
pas moins inlassablement ses
sorties.
Et
pour la nuit du lundi 21
au mardi 22
décembre 1942,
l'objectif assigné à
ses appareils est la ville de
Munich,
dans le Sud de l'Allemagne.
Précédant les
119 Avro
Lancaster des
No. 1
et 5 Group
qui constituent la Main
Force (la force de bombardement
principale), la Path
Finder Force totalise
pour sa part 18 bombardiers
; 9
Short
Stirling du No.
7 Sqn.
et autant de Vickers
Wellington en
provenance du No. 156
Sqn.
A
Warboys,
dans le Huntingdonshire,
terrain où est stationné
le No. 156
Sqn., équipages
et personnels au sol s'affairent
dans les derniers préparatifs
de la mission du soir. Formé
en
octobre
1918 en tant que Squadron
de bombardement de jour, le
No. 156
Sqn. a toutefois une
existence dès plus éphémère
puisqu'il est dissout dès le
mois suivant avant même d'avoir
pu devenir opérationnel en raison
de la signature de l'Armistice
le 11
novembre 1918.
La
Seconde
guerre mondiale va cependant
lui fournir l'occasion de prendre
sa revanche sur le sort, puisque
l'unité qui fut en quelque
sorte l'étoile filante de la
Der des
Ders, va devenir l'une
des étoiles polaires de la seconde.
En
effet, recréé
à Alconbury
le samedi 14
février 1942, le No.
156 Sqn.,
équipé de bimoteurs
Vickers
Wellington, est
transféré au sein
de la toute nouvelle Path
Finder Force dès le mois
d'août
suivant et
fait donc mouvement sur le terrain
de Warboys.
Désormais
sa mission ne consiste plus
à bombarder les cibles
qui lui sont désignés
mais à les baliser pour
le compte d'autres
Squadron
du Bomber
Command. D'ailleurs sa
devise, " We
light the way " (Nous
éclairons la voie) et son insigne,
Mercure brandissant une torche
allumée, symboliseront parfaitement
sa fonction.
C'est
donc au titre de Squadron
"éclaireur"
que le No. 156
Sqn. prend part au raid
visant Munich
en cette nuit du lundi 21
au mardi 22
décembre 1942,
en y affectant 8 des siens dont
l'équipage du Vickers
Wellington
Mk. III S/n
BK386
qui a la particularité
d'être entièrement
composé d'aviateurs canadiens.
Deux d'entre eux au moins ont
déjà accompli
un tour d'opérations
avec le No. 420
(Snowy Owl) RCAF Squadron.
Le
Pilot
Officer
Stanley Julian Cybulski
qui en prend les commandes,
s'est ainsi vu remettre la Distinguished
Flying Cross le mardi
16 juin
1942. Cet homme, particulièrement
expérimenté, est
décrit comme étant
une personne d'un grand courage,
d'une grande compétence
et d'une grande détermination.
Ainsi au cours de l'une de ses
précédentes missions,
l'un de ses moteurs ayant cessé
tout fonctionnement peu après
avoir quitté la côte
anglaise, le P/O
Cybulski fit demi-tour.
Mais étant parvenu à
remettre ce dernier en marche
quelques vingt minutes plus
tard et constatant que ce dernier
fonctionnait normalement, il
fit une nouvelle fois demi-tour
et gagna sa cible qu'il bombarda
avec succès !
De
son côté, le Pilot
Officer Lloyd Robertson
Mann, l'un des opérateurs
radio - mitrailleurs, se verra
également remettre une
DFC
le jeudi 31
décembre 1942
et aura été à
plusieurs occasions cité
en exemple pour son courage
et son efficacité.
Quant
au reste de l'équipage,
il est contitué du Flight
Lieutenant
William Samuel Crawford,
observateur ; du Pilot
Officer Harry Thomas
Boyes, navigateur bombardier
et du Flying
Officer Joseph Patrick
Sullivan, mitrailleur.
Tous
les cinq décollent de
Warboys
à 16 h
55 (heure anglaise) avec
pour destination finale Munich
qu'ils n'atteindront pas...
En effet, tandis qu'il survole
le Sud-est du département
de la Marne,
le
Wellington
BK386 est intercepté
par
un chasseur de nuit allemand
qui l'abat sur le territoire
de la commune de Matignicourt-et-Goncourt.
Aucun des 5 membres d'équipage
présent à bord
n'y survivra...
La
Gendarmerie
française qui s'est transportée
sur place ne peut que constater
les faits.
"
Dans la
nuit du 21 au 22 décembre 1942,
deux avions de bombardement
anglais sont tombés en flammes
sur le territoire de la Section
de Vitry-le-François.
Vers
23 h 15, un bombardier s'est
écrasé [
censuré par le Webmaster
] sur
le territoire de la commune
de Matignicourt. L'appareil
est entièrement détruit, les
débris s'étendent sur une longueur
de 200 mètres. La carlingue
est littéralement pulvérisée
; aux alentours gisent cinq
cadavres affreusement mutilés
dont quatre en partie calcinés.
Il apparaît que les aviateurs
s'apprêtaient à utiliser leurs
parachutes lorsque l'appareil
s'écrasa au sol.
Une
dizaine de bombes, non éclatées,
d'une vingtaine de kilogs
[ sic ] environ,
sont répandues parmi les débris,
les réservoirs d'essence ont
pris feu.
Il
semble qu'aucun membre de l'équipage
n'a pu échapper à la mort.
[
... ]
Les
gendarmes de la Section de Vitry-le-François
ont assuré la garde des appareils
jusqu'à l'arrivée de la Feldgendarmerie
allemande et des Autorités compétentes.
D'après
les déclarations de plusieurs
témoins, les deux appareils
[
note du webmaster : le
second est le Short Stirling
Mk. I MGN
S/n W7632 du No. 7
Sqn. tombé à
Jussecourt-Minecourt
] ont
été abattus par un chasseur
de nuit allemand à quelques
minutes d'intervalle. Aucun
incident à signaler
".
Si
l'on se base sur le contenu
des archives allemandes, le
responsable de la chute du Wellington
BK386 est très
vraisemblablement le Hauptman
Heinrich Wohlers, pilote
du Stab
II./NJG 4 qui, pour la
nuit du lundi 21
au mardi 22
décembre 1942, ne revendique
pas moins que la destruction
de trois bombardiers, dont deux
obtenues sur le même secteur
du département de la
Marne.
La
première de ces victoires intervient
sur Void-Vacon
(département de la Meuse)
dès 19
h 41 (heure allemande)
et a pour objet un quadrimoteur
non identifié qui est probablement
le Stirling
B. Mk. I, MGC,
S/n BF358,
du No. 7
Sqn.
La
deuxième est remportée sur Minecourt
(Marne)
à 22 h
56 (heure allemande).
Il s'agit là encore d'un Stirling,
en l'occurence le W7632
du No. 7
Sqn. tombé à Jussecourt-Minecourt.
[
à ce
propos, le lecteur pourra se
reporter à l'historique du Stirling
W7632 ]
Quant
à la troisième de ces
revendications, elle intervient
à 23 h
13 (heure allemande)
à l'encontre d'un Wellington
abattu à Matignicourt
et qui est très clairement
le Wellington
BK386 perdu par le
No. 156
Sqn.
Par
son
action, le Hptm.
Wohlers vient de s'octroyer
un triplé qui hôte
toutefois la vie à 20
aviateurs alliés.
Douteux
privilège pour l'équipage
du Wellington
BK386, mais sa disparition
clôturera la liste des
pertes du No. 156
Squadron pour l'année
1942.
De même, le BK386
sera le dernier Wellington
de l'unité à être
perdu en opérations car
la
nouvelle année verra le Squadron
être rééquipé
de de Avro
Lancaster au cours
du mois de janvier
1943.
Quant
au département de la Marne,
il comptabilisera cette nuit-là
ses
deux dernières pertes
d'appareils
du Bomber
Command pour
l'année 1942.
Au
total cette seule année
y aura vu la destruction de
4 bombardiers (2 Handley
Page Halifax du
No. 35
Sqn. 1 Short
Stirling du No.
7 Sqn.
et 1 Vickers
Wellington du
No. 156
Sqn.), impliquant le
décés de 17 aviateurs
et la capture de 8 autres.
Il
faut également noter
que ces 4 pertes concernent
toutes des appareils relevant
de la Path
Finder Force ! Mais l'explication
de ce fait tient peut-être
à la raison d'être
même de la PFF.
Chargés de baliser l'objectif
pour le compte de la Main
Force, ses équipages
précédent donc
invariablement le gros des bombardiers.
Et à ce titre, placés
en avant du dispositif, ils
sont les premiers à pénétrer
les zones de défenses
radars mises en place par les
allemands. De là, les
contrôleurs au sol n'ont
donc aucun mal à diriger
leur chasseur de nuit sur ces
proies toutes désignées
avant que le flot des bombardiers
ne viennent saturer le dispositif
de détection.
Reste
que ce raid mené sur
Munich
cette nuit-là est un
échec total. Des 137
appareils lancés à
l'assaut de la ville, seul les
équipages de 110 d'entre
eux revendiqueront à
leur retour avoir pu procéder
au bombardement de la cible
et y avoir noter le déclenchement
de plusieurs incendies. Mais
les photographies prisent à
l'occasion de cette attaque
démontreront sans ambages
possible que la totalité,
sinon la très grande
majorité des bombes larguées,
est tombée en dehors
de la cité... Il est
en effet possible que les
bombardiers aient été abusés
par un leurre mis en place par
les allemands à cette
fin.
Ce
piètre résultat
aura toutefois coûté
cher aux équipages du Bomber
Command qui ne verront
pas rentrer 12 des leurs, soit
8
Lancaster,
3 Stirling
du No. 7 Sqn. et un Wellington
du No. 156
Sqn.
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