Dans
la nuit du lundi 5
au mardi 6
juin 1944, les premières
troupes aéroportées alliées
(82nd
et 101st
US Airborne Division,
6th British
Airborne) prennent pied
sur le sol normand. A l'aube
du mardi 6
juin, elles sont suivies
des 4th
et 1st
US Infantry Division,
50th British
Infantry Division, 3rd
Canadian Infantry Division
et 3rd
Infantry Division, qui
débarquent sur les plages du
Cotentin
et du Calvados
baptisée pour l'occasion Utah,
Omaha,
Gold,
Juno
et Sword.
La bataille
de Normandie vient de
débuter et ne s'achévera que
le lundi 21
août suivant, après deux
mois et demi de furieux combats
qui connaîtront trois
phases successives :
La
première, qui verra la
constitution et la consolidation
des têtes de pont alliés
jusqu'à la prise du port de
Cherbourg,
s'étalera du mardi 6
au mardi 27
juin 1944 ;
La
deuxième, le piétinement
dans les haies du bocage normand
et dans la plaine de Caen,
s'étendra du mardi 27
juin au mardi 25
juillet 1944 ;
La
troisième, la percée
à l'Ouest de Saint-Lô
et l'exploitation qui s'en suit
jusqu'à la fermeture de la poche
de Falaise
allant du vendredi 28
juillet au lundi 21
août 1944.
Tout
au long du déroulement
de ces trois phases, l'action
du Bomber
Command restera subordonnée
à celle des forces terrestres
par l'intermédiaire du
SHAEF.
Chargé essentiellement
d'entraver le mouvement des
troupes allemandes en direction
du champ de bataille, les bombardiers
lourds alliés poursuivent
leur oeuvre de démolition
à l'encontre du
réseau ferré français
(voies, gares de triage, dépôts,
ateliers de réparation et d'entretien,
etc. ) mais également
des moyens de transports (locomotives,
wagons, véhicules automobiles,
péniches etc.) et infrastructures
qui y sont lié (ponts,
tunnels, écluses, canaux,
etc.).
Ainsi
pour la nuit du mercredi 28
au jeudi 29
juin 1944, la
contribution du Bomber
Command au Transportation
Plan (ou Plan
des moyens de transport)
portera sur les gares de triage
de deux villes françaises de
l'Est de la France,
Metz,
en Moselle
et Blainville-sur-l'eau,
en Meurthe-et-Moselle.
Pour
ce faire, pas moins de 202 Handley
Page Halifax des
No. 4
et 6 (RCAF)
Group vont composer la
Main Force
(la force de bombardement principale),
les 97 appareils britanniques
(No. 4
Group) ayant Blainville
pour objectif tandis que leurs
homologues canadiens du No.
6 (RCAF)
Group (soit 105 bombardiers)
feront route sur Metz.
Quant au balisage de ces deux
cibles, il relèvera du
No. 8
(PFF) Group qui dépêche
pour l'occasion 28 de ses Avro
Lancaster Pathfinder.
A
Linton-On-Ouse,
dans le Yorkshire,
où stationne les No. 408
(Moose) et 426
(Thunderbirds) RCAF Squadron,
le personnel des Thunderbirds
s'affaire car ses appareils
vont bientôt devoir s'envoler
sur Metz.
Initialement
formé sur Vickers
Wellington à Dishforth,
Yorkshire,
au sein du No. 4
Group le jeudi 15
octobre 1942, le No.
426 (RCAF)
Squadron fut
la septième unité de
bombardement canadienne à
être constituée hors du
territoire national. Le vendredi
1er janvier
1943, la création du
No. 6
(RCAF) Group, qui aura
la particularité de ne comprendre
que des Squadron
canadiens, s'accompagne du transfert
du No. 426
(RCAF) Sqn.
L'unité,
qui a choisi pour insigne le
Thunderbird
(pour Oiseau tonnerre), du nom
de l'oiseau mythique dont la
vue est censée causer mort et
destruction chez ceux qui l'aperçoive
et dont l'origine remonte à
certaines populations indiennes
d'Amérique
du Nord qui baptisèrent
ainsi le premier aéroplane qu'elles
virent évoluer dans leur ciel,
accomplie
sa première sortie opérationnelle
dans la nuit du lundi 14
au mardi 15
janvier 1943 en bombardant
Lorient.
En
juin 1943,
le No. 426
(RCAF) Sqn. échange
ses Wellington
contre des Avro
Lancaster motorisés
par des Bristol
Hercules
en étoile (le Mark
II) et
non du classique Rolls-Royce
Merlin en ligne (Mark
I et III).
Par la même occasion,
le Squadron
fait mouvement sur le terrain
de Linton-on-Ouse
où il stationnera jusqu'à
la fin du conflit. Moins d'un
an plus tard, en avril
1944, il est rééquipé
de Handley
Page Halifax,
tout d'abord dans sa version
Mk. III
à laquelle succède
le modèle VII
dont le plafond opérationnel
et la vitesse ont été accrus
grâce à une nouvelle motorisation
de Bristol
Hercules.
C'est
donc à bord de ce dernier type
d'appareil que va opérer
le No. 426
(RCAF) Sqn. en cette
nuit du mercredi 28
au jeudi 29
juin 1944. L'un d'entre
eux,
le Handley
Page Halifax B. Mk. VII,
OWV,
S/n LW198,
produit par la firme Handley
Page de Crivklewood
& Radlett, ainsi que
son plein chargement de 14 bombes
de 500 livres, va d'ailleurs
être confié aux
mains d'un équipage parfaitement
expérimenté.
En
l'occurence celui du Flying
Officer
Stuart W. Gerard, un
pilote de la RCAF
qui totalise 24 missions ; du
Pilot
Officer Kenneth Beeley,
mécanicien navigant RAF
qui en compte 29, dont les 10
dernières avec cet équipage
après que son prédecesseur
se soit cassé le bras
à la fin du mois d'avril ; du
Flying
Officer William Lastuk,
navigateur RCAF
(22 missions) ; du Warrant
Officer 2nd Class E.
J. Wilkie, bombardier
aux 24 missions dont c'est la
première sortie avec cet équipage
puisqu'il remplace au pied levé
John Weibe, le bombardier
habituel, cloué au sol par une
forte fièvre ; du Flight
Sergeant Dave A. MacInnis
(22 sorties), opérateur-radio
et citoyen américain de la ville
de New
York engagé dans
la RCAF
; du Pilot
Officer Thomas Aubrey
Rogers, mitrailleur supérieur
RCAF
aux 22 sorties et du Pilot
Officer Kam Len Douglas
Sam, mitrailleur arrière
canadien dont l'ascendance chinoise
lui vaudra quelques difficultés
au moment de s'engager, en raison
de certaines restrictions raciales
alors en vigueur à l'époque.
Malgré tout ce dernier
aura au jour de cette mission,
effectué 28 sorties.
A
22 h 10
(heure anglaise), le premier
des 20 Thunderbirds
désignés pour
cette opération prend
l'air. A 22
h 18 (heure anglaise
toujours) survient le tour du
LW198/OWV.
Au final ce ne sont toutefois
que 17 Halifax
qui s'envoleront, 3 d'entre
eux n'ayant pu décoller
en raison de défaillances
mécaniques diverses,
desquels il faudra encore retrancher
un nouvel appareil contraint
de rebrousser chemin sur fuite
du liquide hydraulique.
Intégré
au Stream,
le flot des bombardiers participant
à la même opération,
le bombardier passe
la côte française aux environs
de Calais
et poursuit son vol sur un cap
Sud à environ 3 500 pieds, soit
près de 1 067 mètres.
Parvenu à l'Ouest de
Reims,
il effectue alors un virage
qui l'amène plein Est
et commence à gagner son altitude
de bombardement établie
à 13 000 pieds, 3 962
mètres. Toutefois le
Halifax
LW198/OWV
n'aura guère le loisir
d'aller plus loin car sa route
va croiser celle de la chasse
de nuit allemande.
Peu
avant 01
h 00 (heure anglaise)
en effet, un chasseur adverse
s'approche et prend position
en dessous et sur la gauche
du quadrimoteur. Sa présence
est toutefois repérée par le
mitrailleur arrière, le P/O
Sam qui identifie l'assaillant
comme étant un Junker
88.
Quasiment au même instant, le
P/O
Rogers, mitrailleur supérieur,
aperçoit à son tour un second
Ju
88 situé quant à
lui, plus haut et sur la droite
! Il est peu probable que les
deux chasseurs se soient concertés
au préalable mais leur
position est idéale pour
prendre le Halifax
en tenaille !
Brusquement,
le pilote du Ju
88 placé sur la gauche
du bombardier prononce son attaque.
Parvenu à près de 400 yards
de distance (~ 365 mètres),
le chasseur de nuit ouvre subitement
le feu !
"
Je crois
que nous approchions de 8 ou
9 000 pieds, soit environ 2
400 à 2 750 mètres d'altitude,
quand le premier Ju 88
arriva sur nous. Doug Sam,
notre mitrailleur arrière, me
demanda d'exécuter un 'corscrew'
(manoeuvre d'évasion consistant
à effectuer une vrille) à droite
ce que je fis. Le Ju 88
nous rata, son tir passa au-dessus
de nous ".
Mais
si les tirs de l'allemand ont
manqué leur cible, ceux
du P/O
Sam en revanche ont atteint
la leur, le mitrailleur canadien
ayant la joie de voir son assaillant
tomber en flammes [ Note
du Webmaster :
cette nuit là, au moins
deux appareils de la Nachtjagd
seront abattus dans le secteur.
Le Messerschmitt B. 110
de l'Obergefreither Friedrich-Wilhelm
Kisker et un second chasseur
dont le type et l'équipage
n'ont pu être identifiés
mais le point de chute attesté
].
Mais
après ce premier assaut,
le Halifax
LW198/OWV
va devoir affronter le second
Nachtjäger.
"
Je venais
tout juste de reprendre mon
cap quand le mitrailleur de
la tourelle supérieur réclama
une vrille à gauche [
Note
du Traducteur : il s'agit
du Pilot Officer T.A. Rogers,
âgé de 39 ans ].
Les obus du Ju 88 atteignirent
le centre de notre avion ainsi
que les réservoirs d'essence
droits qui prirent immédiatement
feu. L'extincteur du moteur
n'eut aucun effet, et mon mécanicien
et moi-même nous nous sommes
rendu compte que le feu menaçait
le centre du fuselage. Je pris
très rapidement la décision
d'ordonner l'évacuation de mon
appareil :
"
sautez - sautez
- sautez "...
".
Contrairement
à la première
attaque, cette seconde se déroule
à l'inverse de la précédente.
Cette fois-ci les tirs du P/O
Rogers et du P/O
Sam ratent leur cible
tandis que ceux du chasseur
allemand atteignent le Halifax
en plusieurs points, le milieu
du fuselage, son aile droite
ainsi que son aileron, enflammant
également l'un de ses
réservoirs d'essence. Malheureusement
ces tirs sont très vraisemblablement
la cause du décès
du P/O
Thomas Aubrey Rogers
qui sera le seul des 7 membres
d'équipage à ne
pas pouvoir évacuer le
bord.
Un
à un en effet, les aviateurs
s'élancent dans le vide. Après
avoir ouvert la trappe d'évacuation
avant, le F/O
Lastuk saute, suivie
par le
F/S
MacInnis, le
W/O2
Wilkie,
le P/O
Beeley et enfin le
F/O
Gerard qui éprouve
quelques difficultés
à l'ouverture de son
parachute. Quant au P/O
Sam, il parviendra également
à
s'extraire de sa tourelle arrière
avant de rencontrer
lui
aussi
quelques déboires avec
son parachute.
Livré
à lui-même, le
Handley
Page Halifax B. Mk. VII,
OWV,
S/n LW198
percute le sol du département
de la Marne en un point qui
m'est inconnu.
Cet appareil aura ainsi le douteux
privilège d'être tout
à la fois le premier Mk.
VII perdu en opération
par le Bomber
Command, le seul et unique
appareil de ce type à
tomber dans le département et
le seul représentant du No.
426 (Thunderbird)
Squadron a
y avoir succombé pour l'ensemble
du conflit [ NdW
:
quelques heures plus tard, l'unité
verra toutefois s'abattre un
second Mk. VII dans le secteur
de Rouen au retour de cette
mission ].
Selon
la liste des revendications
de victoires allemandes compilée
par M. Tony Wood, les
prétendants à
sa destruction pourrait-être
l'Obfhr.
Friedrich-Wilhelm Kisker
de la 1./NJG
6 qui abat un Halifax
à 00
h 44 (heure allemande)
à l'Ouest de Juvincourt
[ à
ce propos, le lecteur pourra
prendre connaissance du témoignage
de l'Obfhr. Kisker
] ; le Ltn.
Plass de la 1./NJG
5 qui abat un quadrimoteur
entre Craonne
et Reims
à 00
h 53 ; le Maj.
Werner Hoffamnn du Stab
I./NJG 5 qui abat un
quadrimoteur entre Fismes
et Reims
à 00
h 58 ou le Fw.
Gajewski de la 1./NJG
2 qui abat un quadrimoteur
entre Soissons
et Fismes
à 01
h 06.
Plus
chanceux que leur monture, les
6 membres d'équipage
survivant touchent terre sans
dommage et vont tous parvenir
à échapper à
la captivité.
"
Je me
suis posé juste à côté d'un
aérodrome allemand [
NdW
: Flugplatz A/213/XI, aérodrome
de Reims-Courcy connu de nos
jours sous l'appellation de
Base Aérienne 112 - Commandant
Edmond Marin-La-Meslée.
As des As de la Campagne de
France de mai-juin 1940 avec
16 victoires aériennes homologuées
et 4 probables, le Cdt. Marin-La-Meslée
trouve la mort à Rustenhardt,
en Alsace, le 2 février 1945
après que son P-47
ait été atteint
par un tir de Flak
].
Après
avoir enterré mon parachute,
je me suis dirigé à pied vers
une ferme située près d'un canal.
Dans mon mauvais français appris
à l'école, je leur expliquai
qui j'étais. Ils m'accueillirent
et me nourrirent. Pendant que
je mangeais, un policier français
arriva et au début je croyais
qu'il s'agissait d'un soldat
allemand. En réalité, il était
un maillon dans l'énorme système
de la Résistance qui sauva bien
des vies alliées. Il m'embarqua
sur le cadre de son vélo jusqu'à
une autre demeure où l'on me
donna des habits civils et un
béret.
Dans
une autre maison, je fus pourvu
de faux papiers d'identité.
Nous étions en juin 1944, et
je restai caché dans diverses
maisons amies jusqu'en septembre
quand les Américains libérèrent
Reims, ville dans laquelle fut
signé l'armistice, le 7 mai
1945 à 2 heures 41 du matin.
Les Américains m'emmenèrent
à Paris d'où je regagnai l'Angleterre
par la voie des airs. On m'y
interrogea soigneusement sur
chaque détail de mon aventure.
Je pris ensuite le " New Amsterdam
" pour regagner le Canada et
rendre compte au quartier-général
de la RCAF à Ottawa ".
Ainsi
le F/O
Lastuk, devenu le jardinier
Jean Durand dont la trop
grande taille, aisément
reconnaissable, ne lui permet
pas de circuler librement, restera
caché plusieurs semaines,
notamment au sein de la famille
de M. Léon Genêt
de Reims,
qui hébergera dans le
même temps le
P/O
Wilkie. Ce dernier en
effet, après avoir brutalement
atterri au Nord de Reims,
ce qui lui vaudra de se blesser
au dos et à la jambe
gauche, passera la nuit dans
des
buissons avant de prendre la
direction du Sud au matin. Très
rapidement cependant, son chemin
croisera celui d'un gendarme
français qui le conduira
dans une cabane à proximité
de la commune de Loivre
où il semblerait qu'il
ait rencontré le F/S
MacInnis.
De
son côté, le P/O
Beeley, après avoir atterri
dans un champ non loin du village
de Bourgogne,
situé au Nord-est de Reims,
se cache dans un grenier à foin
jusqu'au moment où son propriétaire
l'y trouve. Le fermier le remet
alors entre les mains d'un résistant
local qui l'héberge pour
la nuit. Le lendemain, l'aviateur
est conduit à Reims
où il retrouve le P/O
Sam qui, pour sa part,
a touché terre non loin
du terrain de Reims-Courcy.
Tous deux feront alors la navette
entre le village de Sarcy,
au Sud-ouest de Reims
et cette dernière ville, au
grès des nécessités
de l'époque.
Toutefois
le P/O
Sam, de part son ascendance
chinoise et sa parfaite connaissance
de la langue française, entrera
alors au service de la Résistance
en se faisant passer pour un
étudiant indochinois. Son action
aux côtés de ses
camarades de l'ombre sera telle
qu'il se verra décerner
la Croix
de guerre avec Étoile
d'argent.
Enfin,
tout comme son mitrailleur arrière
et son navigateur, le F/O
Gerard touchera le sol
aux abords de l'aérodrome
de Reims-Courcy.
"
J'ai
atterri dans un taillis d'arbustes
de 5 à 10 mètres de haut. Je
tirai sur mon parachute que
j'enterrai. Après avoir détaché
mon insigne de pilote ainsi
que mes épaulettes, je sortis
du taillis sur une centaine
de mètres -- Je n'étais pas
blessé. Je vis ce qui me semblait
être une route à environ cent
mètres et commençai à marcher
en parallèle de celle-ci. --
Un avion en approche finale
me fit réaliser que la route
était en réalité une piste d'atterrissage.
Je restai caché jusqu'à ce qu'il
eut atterri puis, revenant sur
mes pas, je m'enfuis rapidement.
Deux camions munis de projecteurs
circulaient dans la zone, aussi
je me cachai dans la broussaille
jusqu'à leur départ.
Me
dirigeant vers le sud-ouest
je marchai de 2 heure 30 jusqu'à
7 heures environ car il commençait
à faire jour. Je me suis caché
dans des buissons et me suis
endormi. Vers 8 heures, le bruit
d'une personne qui se déplaçait
dans les fourrés me réveilla.
Heureusement ce n'était pas
un Allemand mais le mitrailleur
arrière d'un autre Halifax.
Je reconnus son uniforme et
je sifflotai doucement, lui
donnant la frousse de sa vie.
Il s'appelait Harry Brown.
Je ne me souviens pas de son
numéro de Squadron, mais il
faisait partie de la R.A.F.
[ NdW
:
le Sergent Harry Brown
était le mécanicien navigant
du Halifax Mk. III, LV910,
QBY
du No. 424 (Tiger) RCAF Squadron,
avion également abattu aux environs
de Reims cette nuit là dont
le mitrailleur arrière
revendiquera également
la destruction de son assaillant.
A ce propos, le lecteur pourra
prendre connaissance de l'historique
du Halifax
LV910/QBY
]
En
sautant Harry s'était blessé
à la cheville. Je lui fis un
pansement à l'aide de ma trousse
de secours. Nous sommes restés
dans le bois toute la journée
et avons repris notre marche
au crépuscule. Le temps est
devenu orageux et nous avons
traversé des terrains très marécageux.
Harry ne pouvait pas bien marcher
aussi nous n'avons pu couvrir
que 10 ou 12 kilomètres. Nous
étions épuisés et trempés quand,
vers 4 heures du matin, nous
avons aperçu une grange près
d'une ferme. Après y être entrés,
nous avons dormi une heure ou
deux et nous nous sommes un
peu séchés. Nous nous sommes
réveillés vers 7 heures et avons
décidé de partir avant que quelqu'un
ne nous trouve. Nous étions
près d'une pompe à eau, ce qui
nous amena à vouloir y prendre
de l'eau propre, car celle que
nous avions recueillie dans
les fossés ne l'était pas vraiment.
Quand je me mis à tirer de l'eau,
les pièces métalliques de la
pompe firent entendre les bruits
habituels. Nous avons attendu
cinq minutes pour voir si quelqu'un
nous avait entendus. Rien.
Alors,
nous avons décidé de manger
un paquet de chocolat avant
de partir. Cinq minutes plus
tard, deux jeunes garçons de
17 ou 18 ans arrivèrent dans
la grange en courant. Ils n'étaient
pas armés et ils commencèrent
à nous poser les questions habituelles.
Ils décidèrent qu'ils pouvaient
nous faire confiance. La cheville
de Harry les y incitait. Ils
nous firent vite sortir de la
grange, traverser une zone boisée
et pénétrer dans un tunnel qui,
je crois servait à l'approvisionnement
en eau d'une sorte d'atelier.
Je crois qu'il s'agissait d'un
vieux moulin. On nous y garda
toute une journée. Notre nourriture
fut du lapin et du vin. A nouveau
nous fumes interrogés par deux
hommes et à nouveau considérés
comme des aviateurs en fuite.
Ils avaient peur des Allemands
qui revêtaient nos uniformes
afin de démasquer des membres
de la Résistance ou des Français
désireux de venir en aide aux
Alliés. La nuit venue, nous
sommes partis à bicyclette dans
une forêt aux environs de Chaumuzy
".
Recueilli
par la Résistance
et hébergé un
temps dans la ferme de la famille
Truchon, les deux hommes
participeront alors à
quelques coups de force contre
l'occupant dont l'attaque d'un
centre souterrain de communications
allemand ou le sabotage de pylones
de lignes à haute tension [
à
ce propos le lecteur pourra
se reporter au témoignage
du P/O
Gerard ]. Le secteur
devenant quelque peu "malsain"
en raison de l'agitation causée,
le P/O
Gerard gagnera les environs
de
Montmirail
et trouvera refuge parmi la
famille de Marcelle Pomier
dont les parents appartenaient
à une chaîne de résistants faisant
passer les aviateurs évadés
en Espagne.
Il restera à leurs côtés
jusqu'à l'arrivée
des premiers éléments
de la 3rd
US Army du Général
Patton qui libèreront
le département de la
Marne
en quelques jours, permettant
ainsi, outre le retour en Grande-Bretagne
de nos 6 aviateurs, celui de
leurs nombreux camarades dissimulés
ça et là dans
des familles françaises.
Reste
qu'à l'issu de ces deux
raids menés sur Metz
et Blainville,
cibles que le Bomber
Command considèrera comme
ayant été atteintes,
pas
moins de 20 bombardiers auront
été abattus. Ainsi,
le No. 4
Group envoyé sur
Blainville
ne verra pas rentrer 11 Halifax
(de même qu'un Lancaster
Pathfinder) tandis que
le No. 6
(RCAF) Group déplorera
quant à lui, la disparition
de 7 Halifax
(là encore un Lancaster
Pathfinder sera porté
manquant).
De
ce total, 4 bombardiers auront
succombé dans le département
de la Marne
qui verra s'abattre, outre le
Halifax
LW198/OWV,
le Halifax
MZ539/MPX
du No. 76
Sqn. ;
le Lancaster
PA980/LQE
du No. 405
(RCAF) Sqn. et le Halifax
LV910/QBY
du No. 424
(RCAF) Sqn.
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