Lorsque
débute l'année 1943,
l'Air
Marshal Sir Arthur Harris,
le Commander-in-Chief
(commandant en chef) du Bomber
Command, est en passe
de parvenir au but qu'il s'est
fixé. Faire du bombardement
stratégique britannique la plus
redoutable force aérienne jamais
constituée. Sous son impulsion,
la flotte hétéroclite de bombardiers
qui le composait jusqu'alors
est désormais devenue parfaitement
homogène.
Doté
majoritairement d'appareils
quadrimoteurs modernes dont
le nombre ne cesse de croître,
permettant ainsi la naissance
de nouveaux Squadron,
le Bomber
Command se voit également
renforcé par la constitution
d'un groupe entièrement
canadien, le No. 6
(Royal Canadian Air Force) Group.
Quant
à la Path
Finder Force, apparue
à la mi août
1942, son expansion est
telle que le vendredi 8
janvier 1943 la voit
devenir No. 8
(PFF) Group
tout en étant rééquipée
de Avro Lancaster et
de De Havilland Mosquito.
Parallèlement
à cette croissance quantitative,
le Bomber
Command connaît également
un développement qualitatif
dû aux diverses innovations
technologiques apparues aussi
bien dans le domaine de l'aide
à la navigation ou de la précision
des bombardements grâce
aux différents types
de radars (Gee,
H2S,
Oboe...),
que dans la détection
des chasseurs adverses (Fishpond,
Monica...).
Dés
lors assuré de sa puissance,
Sir
Harris envisage de porter
un coup décisif à
l'adversaire ce qui, dans son
esprit,
ne peut consister qu'en une
longue suite ininterrompue de
raids dirigés sur le cœur même
de l'Allemagne
avec, pour objectif unique,
l'anéantissement systématique
de ses industries et de ses
villes.
En
effet, à la suite du
rapport Butt qui démontrait
l'inefficacité des raids
dit de précision, la
politique de l'Air
Ministry (le Ministère
de l'Air britannique)
s'est infléchie, privilégiant
désormais l'Area
bombing, soit le bombardement
de zone, c'est à dire
l'attaque de zone urbaine dense
selon le principe que la destruction
systématique de leurs
habitats fragiliserait
le moral de la population allemande,
notamment celui des ouvriers
de l'industrie. Partant de là
sa volonté
de poursuivre la guerre en serait
amoindrie et contribuerait à
amener l'Allemagne
à cesser les combats.
Entrée
en vigueur le samedi 14
février 1942,
soit 8 jours avant la nomination
de Sir
Harris (dimanche 22
février 1942) au poste
de Commander
in Chief, cette directive
n'est donc pas de son fait mais
en cette année 1943,
ce dernier va désormais
disposer des moyens humains
et matériels nécessaires
à sa réelle mise
en oeuvre.

C'est
donc dans le cadre de cette
directive que vont débuter,
dans la nuit du vendredi 5
au samedi 6
mars 1943, une série
de raids qui passeront à
la postérité sous
le vocable de " Bataille
de la Ruhr ". Toutefois,
cette offensive qui va se prolonger
sur une période de 5
mois pour ne trouver sa conclusion
quà la date du lundi
24 juillet
1943, débordera
très largement du
cadre de la " Vallée
Heureuse " ("
The Happy
Valley "),
comme la surnommèrent
par dérision les aviateurs
qui furent amenés à y opérer,
en raison de l'intense concentration
de Flak
qui s'y trouvait.
Aussi
pour la nuit du mardi 9
au mercredi 10
mars 1943, est-ce vers
la ville allemande de Munich,
bien au-delà des limites
géographiques du bassin
de la Ruhr,
que convergent 264 appareils
du Bomber
Command, dont 142 Avro
Lancaster, 81
Handley
Page Halifax et
41 Short
Stirling. Et parmi
eux, les Lancaster
du No. 207
Squadron, une unité
du No. 1
Group stationnant alors
à Langar.

Constitué
à partir du B
Squadron
du No. 4
Wing du Royal
Naval Air Service (RNAS),
le No. 207
Squadron né à
Eastchurch,
dans le Kent,
en août
1915. Envoyé en
France
en avril
1916, il y devient No.
7 Squadron
RNAS en novembre
suivant. Lorsque la Royal
Air Force succède
au Royal
Flying Corps le 1er
avril 1918, le No. 7
Sqn. RNAS devient No.
207 Sqn.
Malgré une très
brillante participation à
la Première guerre mondiale,
l'unité est cependant
dissoute à Uxbridge
le 20
janvier 1920. Ce n'est
toutefois que pour mieux renaître,
puisque 12 jours plus tard,
le No. 207
Sqn. est reformé
sur le terrain de Bircham
Newton en tant que Squadron
de bombardement de jour.
Transféré
en Turquie,
où il est placé
sous le commandement du Squadron
Leader Tedder,
futur adjoint du Général
Eisenhower, il regagne
la Grande-Bretagne
et prend ses quartiers à
Eastchurch
qu'il quitte en 1935
à destination du Soudan.
Rentré au pays, il est
équipé de Fairey
Battle au déclenchement
du Second conflit mondial, le
dimanche 3
septembre 1939. Néanmoins,
son rôle se borne à
l'entraînement opérationnel
des équipages et, de
fait, se retrouve absorbé
par le No. 12
OTU (Operational
training unit) en avril
1940.
Reconstitué
à Waddington
au sein du No. 5
Group, le vendredi 1er
novembre, il est équipé
de Avro
Manchester, un
bombardier décevant qui
donnera toutefois naissance
au remarquable Lancaster.
C'est cependant avec le Manchester
que le No. 207
Sqn. accomplit sa première
mission opérationnelle
de la guerre dans la nuit du
lundi 24
au mardi 25
février 1941.
En novembre
suivant, le Squadron
s'installe à Bottesford
et en mars
1942 le Lancaster
succède au Manchester.
En
septembre
1942
l'unité fait mouvement
sur la base de Langar
d'où elle participe au
raid de bombardement à
basse altitude visant Le
Creusot, le samedi 17
octobre 1942.

A
Langar,
dans le Nottinghamshire,
base où stationne donc
le No. 207
Squadron, il est 20
h 41 (heure anglaise)
lorsque décolle
le Avro
Lancaster B. Mk. I S/n
W4172, codé EM X.
A bord de l'appareil qui est
sorti des chaînes de production
de l'usine A.V.
Roe de Chadderton,
a pris place un équipage
de 7 aviateurs anglo-canadiens.
Malheureusement pour ce dernier,
il semble que leur appareil
totalise alors 75 heures de
vols opérationnels, ce qui correspondrait
plus ou moins à la durée
de "vie" que l'on
est en droit d'attendre, à cette
époque, pour un bombardier de
ce type.
Sombre
présage s'il en est donc pour
le Flight
Sergeant Ivor Wood,
pilote de la RAF
; le Sergeant
Gordon I. Brownhill (RAF),
mécanicien navigant ; le Sergeant
Richard Brown (RAF),
navigateur ; le Sergeant
Richard Hall Warren (RAF),
bombardier ; le Sergeant
W. G. Lishman, opérateur
radio de la RCAF
; le Sergeant
George Sidney Margetson
(RAF),
mitrailleur supérieur et le
Sergeant
George Mortimore (RAF),
mitrailleur arrière.

Mais
pour l'heure, les 7 hommes ont
intégré le Stream
(c'est à dire le flot
des bombardiers participant
à la même opération)
qui fait route sur Munich.
Atteignant
la côte française entre les
villes de Dieppe
et du Tréport,
l'équipage se rend alors compte
que sa boussole est hors service
mais n'en poursuit pas moins
pour autant sa mission. Profitant
de quelques trouées dans la
couverture nuageuse qui lui
permettent de repérer aléatoirement
villes et marqueurs jalonnant
le parcours menant jusqu'à l'objectif,
le navigateur fait le point
et le Lancaster
W4172/EM X
finit par trouver sa cible !
La
ville allemande est d'abord
marquéé par les
Pathfinder
du No. 8
(PFF) Group, dont 7 Short
Stirling du No.
7 Sqn.
et 7 Avro
Lancaster du No.
156 Sqn.,
avant de subir l'assaut de la
Main Force
(la force de bombardement principale).
Toutefois, les conditions météorologiques
qui régnent alors sur Munich
bouleversent quelque peu le
schéma initial de l'opération.
Ainsi, alors que l'objectif
se trouvait être le centre
même de la cité, il s'avère
que l'action du vent déporte
les largages sur la moitié Ouest
de la ville !
Néanmoins,
les rapports rédigés à leur
retour de mission par les membres
du No. 7
Squadron sont entousiastes
et précisent
même qu'une bonne concentration
des bombes larguées a pu être
observée. De même, certains
équipages mentionnent avoir
aperçu une grosse explosion
survenir dans la ville et d'autres
notent le déclenchement de nombreux
incendies.

Dans
les faits, à la suite
à cette attaque Munich
doit déplorer la destruction
de 291 immeubles auxquels s'ajoutent
660 bâtiments sévèrement endommagés
et 2 134 autres atteints à des
degrés moindres. Sont notamment
touchés, 11 hôpitaux, la Cathédrale,
4 Églises et 14 édifices à vocation
culturelle tandis que 3 entrepôts
de ventes en gros et 22 locaux
commerciaux de détails sont
intégralement détruits.
En
outre, 294 baraquements militaires
sont atteints, y compris le
Q.G. de la Flak
locale ! Quant à l'usine BMW
qui produit les moteurs d'avions
équipant quantité d'appareils
de la Luftwaffe,
elle voit son activité brusquement
interrompue pour une période
de 6 semaines tandis qu'une
multitudes d'autres destructions
grèvent fortement l'industrie
locale.
Sur
un plan humain, les rapports
allemands mentionnent le décès
de 208 personnes et la blessure
de 425 autres.
Enfin,
pour assurer sa défense, la
Flak
munichoise aura dépensé un total
de 14 234 obus de tous calibres
et la Nachtjagd
y aura envoyé 7 chasseurs de
nuit. Et pourtant le Bomber
Command ne perdra qu'un
seul et unique appareil au-dessus
de la cité allemande... Toutefois
les pertes finales seront plus
lourdes puisque 5 Avro
Lancaster, 2 Handley
Page Halifax et
un Short
Stirling ne regagneront
pas la Grande-Bretagne.

Ce
sera malheureusement le cas
du Lancaster
W4172/EM X
et de son équipage. En
effet, tandis que l'appareil
est sur le chemin du retour,
il est amené à
survoler le Nord du le
département de la Marne
où l'attend un funeste destin.
Car à 2
heures du matin, le quadrimoteur
y est intercepté par
un chasseur de nuit allemand.
Selon
certaines sources, ses assaillants
(car ces derniers auraient été
au nombre de deux) sont des
chasseurs monoplaces de type
Focke-Wulf
190
dont la présence ne passe cependant
pas inapperçue aux yeux du mitrailleur
de la tourelle supérieure, le
Sgt
Margetson, qui a tout
juste le temps de les signaler
à son pilote avant de s'effondrer
à son poste, victime du tir
d'un Nachtjäger.
Son
homologue, le Sgt
Mortimore, en poste dans
la tourelle quadruple arrière,
n'est
guère plus heureux, une rafale
adverse mettant également fin
à sa vie. Privé de défenseurs,
son moteur intérieur gauche
en flammes, le lourd bombardier
n'a désormais guère de
chance de
pouvoir échapper à
ses assaillants.
Pourtant,
le F/S
Wood ne s'avoue pas vaincu
et tente, malgré tout, de préserver
l'intégrité de
son appareil en coupant l'arrivée
d'essence puis en actionnant
les extincteurs. Peine perdue
cependant car le feu gagne de
l'ampleur. D'autant plus que
les manoeuvres
d'évitements du pilote ne parviennent
pas à "semer"
son ou ses adversaires qui place(nt)
une
nouvelle rafale au but !
Cette
fois, la cause est entendue.
Aussi le F/S
Wood ordonne-t-il à son
équipage d'évacuer le bord.
Dans les secondes qui suivent,
le navigateur, le Sgt
Brown, ouvre la trappe
d'évacuation et se parachute,
immédiatement suivi par le mécanicien
navigant, le Sgt
Brownhill, puis par l'opérateur
radio, le Sgt
Lishman avant que ne
vienne le tour du bombardier,
le Sgt
Warren.

Tragiquement,
le F/S
Wood ne semble pas avoir
eu la possibilité d'imiter ses
compagnons de vols et pourrait
avoir trouvé la mort à son poste
de pilotage lors de l'explosion
de l'appareil. Selon les sources,
celle-ci
serait survenue au-dessus ou
à proximité de la localité
de Lavannnes.
Cependant
d'autres informations placent
le point de chute du Lancaster
W4172/EMX
sur le territoire de la commune
de Bazancourt,
elle même située à 5 kilomètres
au Nord de Lavannes
tandis que d'autres font état
du village de Tagnon,
à une quinzaine de kilomètres
au Nord-est, mais dans le département
des Ardennes
cette fois.
[
NdW
:
il est peu probable que Lavannes
ait vu chuter l'appareil du
No. 207 Sqn. puisque cette nuit-là,
la commune a déjà
enregistré la perte d'un
Lancaster du No. 103
Sqn. Il doit donc vraisemblablement
y avoir confusion. A ce propos
le lecteur pourra se reporter
à l'historique du
Lancaster
W4860/PM D
]
Quoi
qu'il en soit, la destruction
du Avro
Lancaster B. Mk. I S/n
W4172/EM X
entraîne le décès
de quatre de ses membres, le
F/S
Ivor Wood, âgé
de 25 ans ; le Sgt
Richard
Hall Warren, âgé
de 32 ans ; le Sgt
George Sidney Margetson,
âgé de 19 ans et
le Sgt
George MORTIMORE, âgé
de 20 ans.

Contrairement
aux affirmations attribuant
leur disparition à l'action
de Fw
190, la liste des
revendications de victoires
allemandes, dressée par
M. Tony Wood, ne fait
aucune mention de chasseurs
de ce type. En revanche la perte
de leur appareil semble pouvoir
être imputée à
l'Oberfeldwebel
Kurt Karsten, un pilote
de la 7./NJG
4 qui, à 01
h 59 (heure allemande)
cette nuit là, clame
la destruction d'un Lancaster
au Nord de la commune de Witry-lès-Reims,
située au Sud de Lavannes
et de Bazancourt.
Les
corps des 4 aviateurs décédés
seront
recueillis et conduits à
Lavannes
auprès de ceux de leurs 6 camarades
du No. 103
Sqn. qui y ont succombé
peu auparavant. La cérémonie
funéraire se serait déroulée
le jeudi 11
ou le vendredi 12
mars 1943 en présence
de l'abbé Tassot, du
Maire de l'époque, M.
Charlier Perceval, de
son adjoint, M. Jean-Baptiste
Garnotel ainsi que de
femmes et de jeunes filles du
village. Quelques rares hommes
furent également présents,
bien qu'on leur ai recommandé
de ne pas se montrer, par crainte
d'une rafle possible pour le
STO
(le Service
du Travail Obligatoire
qui consistait à envoyer de
la main d'oeuvre française travailler
dans les usines d'Allemagne
avec, ou sans, son consentement).

A
l'occasion de cette
inhumation, un
détachement de l'armée allemande
rendra les honneurs à ses valeureux
adversaires avant que la population
locale ne vienne fleurir les
tombes.
"
Le prêtre,
le Père Tassot est vénu les
bénir (...) les
soldats faisaient une haie d'honneur
(...) ont
présenté les armes (et)
tiré une
salve en l'air ".
Quant
aux 3 aviateurs rescapés, ils
vont connaître des destins
inégaux.
Ainsi,
le Sgt
Lishmam ne parviendra
pas à éviter la capture
et sera emprisonné aux
camps 8B,
le Stalag
Teschen, puis 344,
le Stalag
Lamsdorf, sous le numéro
matricule 27
720.
De
son côté, le Sgt
Brownhill réussira
à regagner la Grande-Bretagne
via l'Espagne
grâce au concours de "la
Ligne", c'est à
dire du réseau d'évasion Comète
dont il sera le 99e évadé. Traversant
la
frontière franco-espagnole le
lundi 10
mai 1943, il atteidra
Gibraltar
le mardi 23
juin suivant, soit près
de 4 mois après avoir été abattu.
De là, il embarquera sur un
navire à destination
de Liverpool
et touchera terre le vendredi
26 juin,
jour de son 24e anniversiare
!

En
revanche, le Sgt
Brown suit pour sa part
un chemin quelque peu différent.
Son parachute l'ayant déposé
aux environs d'Avançon,
dans le département des Ardennes
(à une vingtaine de kilomètres
au nord de Lavannes),
il met cap au Sud et, l'aube
venue, se trouve à proximité
de Bazancourt
où il échappe de peu à l'une
des nombreuses patrouilles allemandes
qui fouillent inlassablement
la région à la recherche des
aviateurs parachutés
des 2 Lancaster
abattus dans le secteur.
Caché
pour la journée par l'un des
habitants, il repart à la nuit
tombante, camouflant son uniforme
sous un pardessus et finit par
gagner Condé-sur-Marne
à plus de 35 kilomètres de distance.
[
NdW
:
un mois plus tard, le Sergeant
John Dean, du No. 156 Sqn.,
sera inhumé dans le cimetière
de cette commune après
que son appareil ait été
abattu au retour d'une mission
sur Pilsen. A ce propos le lecteur
pourra consulter l'historique
de la perte du Lancaster
W4930 ]
Le
jeudi 12
mars, 3 jours après son
saut en parachute, le Sgt
Brown est à Méry-sur-Seine,
dans le département de l'Aube.
Il y reçoit des vêtements civils
avant d'être conduit sur Troyes
d'où il prend le train
Express
Paris-Cologne dont il
descend en gare de Belfort
pour prendre une correspondance
qui doit le mener à Baume-les-Dames,
dans le département du Doubs.
S'y étant perdu,
il aura toutefois retrouvé
le bon quai grâce au concours
du bureau... allemand de la
gare !

Le
samedi 14
mars au matin, l'aviateur
est à Baume-les-Dames
d'où il prend, à pied, la direction
du village de Maîche,
distant de plus de 35 kilomètres.
Il doit y retrouver un passeur
chargé de le conduire en Suisse
toute proche mais le soir même,
bien qu'étant arrivé à destination,
il n'est pas en mesure de localiser
l'adresse qui lui a été indiquée,
ce qui lui vaut de passer la
nuit à la belle étoile.
Il
touche cependant au but le lendemain.
Hébergé durant 48 heures par
son passeur, tout deux gagnent
en voiture le village de Trévillers,
puis, à pieds, celui d'Indevillers.
Aux environs de 18
heures, le mercredi 18
mars 1943, le Sgt
Brown est conduit à travers
bois en direction de la frontière
Suisse.
Il parcour ensuite seul les
derniers kilomètres et, lorsqu'il
pénètre sur le territoire de
la confédération hélvétique,
pense certainement que son retour
en Grande-Bretagne
ne sera plus qu'une simple formalité.

Grave
erreur car les autorités suisses
ont une conception quelque peu
déroutante de la Liberté. En
effet, celles-ci opèrent un
subtile distingo entre les aviateurs
évadés d'un camp de prisonniers
allemand et ceux ayant évité
la capture. Pour simplifier,
celles-ci considèrent que, dans
le premier cas, elle ne sont
pas en droit de retenir captif
un aviateur que ses gardiens
eux-mêmes ne sont pas parvenus
à garder dans leurs geôles.
En revanche dans le second cas,
l'aviateur n'ayant jamais été
capturé, il est donc qualifié
de réfugié qui, comme tout militaire
pénétrant sur le sol d'un territoire
neutre, doit être désarmé et
interné...
Ainsi,
après avoir parcouru près de
430 kilomètres en territoire
hostile en seulement 9 jours,
le Sgt Brown doit patienter
jusqu'au samedi 8
janvier 1944, soit presque
10 mois, avant de pouvoir quitter
la Suisse
! Et 46 jours lui seront encore
nécessaires pour atteindre le
rocher de Gibraltar
où il n'arrive que le
mardi 23
février 1944... Toutefois
il
en décolle dès le lendemain
avec pour destination ultime,
la Grande-Bretagne
où son arrivée à Whitchurch
met ainsi un terme définitif
à son odysée.

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